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La gazette du Thriller

01 juillet,2024

Hannibal

septembre 02, 2022
Hannibal
V

ous le savez, le Silence des Agneaux est notre thriller préféré. Après vous avoir présenté la série du même nom, le temps est venu de vous parler d’Hannibal. Le deuxième volet de la saga est-il le digne successeur du film de Jonathan Demme adapté de l’œuvre Thomas Harris ?

ATTENTION : LA CRITIQUE QUI VA SUIVRE PEUT CONTENIR DES SPOILERS.

Présentation

Genre : thriller horrifique

Durée : 131 minutes

Date de sortie : 2001

Réalisateur : Ridley Scott

Scénariste : David Mamet, Steven Zaillian

Rôles principaux : Julianne Moore (Clarice Starling), Anthony Hopkins (Hannibal Lecter), Giancarlo Giannini (Rinaldo Pazzi), Ray Liotta (Paul Krendler), Gary Oldman (Mason Verger)

Intrigue : 10 ans après l’évasion sanglante du Dr Hannibal Lecter, le FBI en la personne de Clarice Starling est toujours à sa recherche. Lui coule des jours heureux à Florence, jusqu’à ce que l’inspecteur Rinaldo Pazzi s’intéresse à lui d’un peu trop près.

Des débuts difficiles – le héro de Harris dans la tempête

Hannibal frôle le naufrage

Cap sur Hannibal

Et pourtant ! Dès la sortie en salle du Silence des Agneaux, tout le monde n’avait qu’une envie : recommencer !

Jonathan Demme, réalisateur du premier volet de la saga, s’était déjà positionné sur les droits du prochain roman de Thomas Harris. Harris l’a-t-il écrit en ne pensant qu’à la future adaptation ? Difficile à dire. Toujours est-il que les producteurs eux-mêmes étaient prêts à payer une grosse somme à Harris pour obtenir les droits avant même l’écriture du roman.

Côté acteur, même envie ! Anthony Hopkins et Jodie Foster s’annonçaient déjà prêts à reprendre leurs rôles. Mais ça, c’est avant le drame...

Tout le monde quitte le navire

Nous n’aurions pas aimé être à la place de Thomas Harris à l’époque. Tout le monde est sur le quai, prêt à embarquer. Quand son paquebot se dévoile enfin, plus personne pour monter à bord. Et pour tous, la même excuse : l’histoire est mauvaise. On imagine que ça picote un peu, quand même...

En cause notamment, le personnage de Clarice Starling. Le revirement de sa personnalité entre le Silence des Agneaux et Hannibal est effectivement impressionnant, et plus encore l’est le dénouement prévu par Harris (que nous choisissons de ne pas vous dévoiler pour le moment).

Jodie Foster, si emballée par le projet, aurait déclaré qu’elle ne pouvait pas trahir Clarice en le jouant comme venait de l’écrire Harris. Quelques rumeurs laissent toutefois entendre qu’elle aurait réclamé 20 millions de dollars au lieu des 15 promis… Nous avons du mal à y croire. Jodie, on t’aime. Autre rumeur : Hopkins aurait été furieux d’apprendre le retrait de Jodie du projet. Pour le coup, on peut le comprendre.

Malgré le succès commercial presque assuré du second volet, même le scénariste et le réalisateur décident d’abandonner le projet. Reste à trouver des personnes prêtes à porter cette casquette pour un film qui part bien mal...

Heureusement (pour les producteurs), Ridley Scott accepte de réaliser le film. Il s’entoure pour le scénario de David Mamet et Steven Zaillian.

A bâbord, toute !

Aussi douloureuse soit-elle, Harris n’avait d’autres décisions possibles que d’accepter que l’intrigue soit modifiée.

Ridley Scott lui-même l’aurait convaincu, pointant les incohérences dans le comportement de Clarice Starling et la fin qu’il refusait catégoriquement de tourner.

Dès lors, les co-scénaristes pouvaient se remettre au travail. Pour information, Steven Zaillian, c’est entre autre La Liste de Schindler, Mission Impossible, Gangs of New York et, plus récemment, The Irishman. Pas de doute sur la qualité du scénario en préparation.

Quant à Ridley Scott, il est déjà le réalisateur adulé d’Hollywood. Après le succès planétaire Alien, il est sur le tournage de Gladiator lorsqu’il accepte de tourner la suite de la saga Hannibal.

Avec toutes ces infos en tête, on essaye de se rassurer et de se lancer dans un visionnage sans a priori.

Temps d’adaptation

Faire le deuil de Jodie

Premier gros choc, la présence et la performance de Julianne Moore. Sans Jodie Foster, comment faire survivre le personnage ? Nous avons tendance à penser que Julianne Moore n’était pas le meilleur choix (mais on se fait des ennemis à chaque fois qu’on le dit).

Il faut lui accorder que, dès le départ, le personnage de Clarice posait problème à tout le monde. Incarner un personnage que plus personne ne reconnaît n’est donc pas tâche facile. Malheureusement, dès les premières minutes, on sait que l’on ne s’y habituera pas...

Les 15 premières minutes sont les plus longues. Il nous arrive encore de regarder le film, et nous passons systématiquement ces scènes qui nous mettent mal à l’aise. On reconnaît Clarice dans son engagement féministe, dans sa bataille contre un FBI terriblement machiste. Mais la Clarice douce et subtile est devenue froide et condescendante. Cette personnalité nouvelle n’est hélas pas bornée aux première minutes du film. Un peu plus tard, on découvre une Clarice prête à donner des ordres à Hannibal et qui va même jusqu’à lui dire « Shut up ! ». Là, vraiment, on est pas d’accord. Jamais Clarice n’aurait fait ça. JAMAIS !

Le style Ridley Scott

Le fait qu’Hannibal ait été tourné 10 ans après le Silence des Agneaux y est peut-être aussi pour beaucoup, mais on ne reconnaît pas notre univers adoré… Toujours dans ces 15 première minutes, on se demande si Ridley Scott ne nous a pas préparé un film d’action ou un film policier qui n’a rien d’un thriller

Il y a un détail que nous n’avons jamais compris. Le tout début de film… Verger, Cordell et Barney sont en pleine discussion sur la relation entre Hannibal et Clarice. La scène est d’abord en tout petit rectangle sur le côté droit de l’écran, qui grandit petit à petit jusqu’à arriver au format normal du film. Pourquoi ? Ce n’est même pas que l’on aime pas, mais on ne comprend pas ! Ridley, si tu nous lis...

Au delà de ça, on est content de revoir Barney, l’infirmier toujours si gentil avec Hannibal, et de découvrir le monstrueux Mason Verger sur lequel nous reviendrons un peu plus tard. Son manoir est par ailleurs une merveille. C’est dans le Domaine de Biltmore, en Caroline du Nord, qu’il se situe, et il s’agit de la plus grande demeure des États-Unis !

On vous l’a dit, on passe toujours le premier quart d’heure. C’est aussi à cause de cette scène du marché typique du cinéma d’action. Et ça tire dans tous les sens, et ça crie, et ça fait du bruit… On aime bien s’endormir devant Hannibal, mais si on laisse cette scène, impossible !

Divine Comédie : l’Italie au service d’Hannibal

Fort heureusement, notre malaise est de courte durée. A peine arrivés à Florence, nous sommes conquis par un charme italien indéniable et salutaire.

Benvenuti in Firenze

Le décor parfait

Le choix de Florence est remarquable, d’abord pour la beauté de la ville. On y découvre le Palazzo Vettori et le Palazzo Vecchio, décors parfaits pour recréer enfin une ambiance propice aux déambulations Hannibalesques.

C’est à Florence que Scott parvient à nous convaincre. L’utilisation de la foule et de l’architecture pour proposer des plans obstrués, presque voyeurs, sont d’une grande intelligence. On est à la place de l’inspecteur Pazzi, épiant le soi-disant Dr Fell (en réalité le Dr Lecter) pour le coincer.

On en profite pour vous parler de Rinaldo Pazzi. Le personnage est merveilleusement écrit, et merveilleusement joué par Giancarlo Giannini. L’acteur italien a une filmographie longue comme le bras. Il est aussi doubleur et, tenez-vous bien, est la voix italienne de Gérard Depardieu. Sachez par ailleurs que l’histoire de la famille Pazzi est tout à fait juste historiquement, jusqu’au destin tragique de Francesco Pazzi, ancêtre du personnage, fictif quant à lui, de Rinaldo.

Les scènes de rues sous les arches permettent aux personnages de slalomer pour tenter de se surprendre ou de se fuir. Les plans sont rapides, le mouvement du manteau d’Hannibal tranche l’air tandis qu’il marche de plus en plus vite.

Un point négatif que nous tenons à aborder : les personnages italiens parlent entre eux en anglais. On perd en réalisme et on se demande pourquoi ne pas les avoir tout simplement sous-titrés. C’est beau, l’italien !

La Sofisticatezza fiorentina

Le choix de Florence, et de l’Italie de manière générale, est aussi un bon moyen de nous plonger dans un monde que nous ne pouvant qu’apprécier en tant que littéraires.

L’omniprésence de l’art sous toutes ses formes est une toile de fond délicieuse. Le passage à l’opéra appuie un peu plus encore sur le raffinement à l’italienne qui met enfin à l’honneur la sophistication d’Hannibal.

Hannibal est un personnage raffiné, et ce n’est pas un détail ! S’il était plus difficile de le montrer dans le premier film de la trilogie (on refuse toujours de considérer Les origines du mal comme partie intégrante de la saga), nous en avions un aperçu à travers les dessins de Florence dans sa cellule et son goût pour la musique classique. Il est ici conservateur pour la bibliothèque Capponi et conférencier spécialiste notamment de l’oeuvre de Dante.

La musique participe évidemment à la construction d’une ambiance imprégnée d’art et d’érudition. Même si nous nous sommes demandé si Hans Zimmer n’en faisait pas un peu trop avec cette musique classique qui ne s’arrête jamais, elle est en fait essentielle. Notons que l’un des morceaux utilisés s’intitule « Gourmet Valse Tartare » (Klaus Badelt)… Un clin d’œil gastronomique appréciable. Bien joué Hans.

On insiste également beaucoup plus dans ce film que dans le précédent sur l’importance pour Hannibal de la courtoisie. On en profite pour rappeler qu’il ne s’en prend théoriquement qu’aux personnes vulgaires et discourtoises, ce qui nous conforte dans l’idée qu’on a le droit de l’aimer un peu.

La Maestria

Monstrueusement beau

Mason Verger. Un personnage nouveau mais qui s’impose comme l’un des personnages principaux de la saga toute entière tant il est merveilleux.

La première chose que vous remarquerez, c’est son visage. Son affreux visage tellement réussi. Les maquilleurs ont reçu pour cette performance un Saturn Award plus que mérité.

Ce maquillage est tellement réussi qu’il nous a fallu du temps (et un coup d’oeil au générique) pour savoir qui se cachait derrière...

L’interprète, et quel interprète, n’est nul autre que Gary Oldman. Oui, Dracula, oui Sirius Black. Qu’importe le rôle, il est toujours juste. Ici encore, il nous offre une performance digne des plus grands. La victime défigurée d’Hannibal est merveilleusement écrite, mais il fallait une sacrée dose de talent pour lui donner vie derrière ce masque de cicatrices.

Avec juste une voix et un demi-regard, on comprend toute la complexité d’un personnage plus répugnant encore moralement que physiquement. Deux scènes en particulier sont pour nous à retenir.

Assez tôt dans le film, Clarice rend visite à Mason à sa demande. Il est, évidemment, monstrueux. Manipulateur et ouvertement pédophile, il tente de la déstabiliser à plusieurs reprises. Arrive dans la conversation l’idée que Clarice ait pu apprécier un peu plus que de raison le Dr Lecter. Le dernier regard de Mason, alors que Clarice s’apprête à le quitter, suggère pour la première et dernière fois une pointe de regret. Mason est un horrible personnage, mais son regard s’égare et se baisse pour la première fois dans une forme d’humilité imposée par sa part de culpabilité dans son triste sort.

Bien plus tard [NE LISEZ PAS SI VOUS N’AVEZ PAS VU LE FILM], lorsqu’il tient enfin Hannibal et s’apprête à le donner à manger aux sangliers, il est subtilement suggéré que ses intentions sont plus complexes. Comme tout le monde, ses sentiments pour Hannibal sont partagés entre peur, haine, admiration et tension sexuelle. Derrière des intentions sadiques et vengeresses se cache une forme d’excitation de revoir celui qui l’avait charmé avant de le pousser à se dépecer. Une simple tonalité dans la voix et, une fois de plus, un regard qui trahit ses pensées profondes… Il est clair qu’il est content de le revoir. Gary Oldman n’aurait pu mieux nous présenter le monstre.

Symbolisme à la Scott

Le génie du réalisateur se révèle dans les détails. Nous ne pouvons que conseiller de ne pas lire la suite si vous n’avez pas vu le film.

Clarice est en difficulté. Elle n’est plus l’héroïne du FBI qui avait participé à l’arrestation de Buffalo Bill depuis longtemps. Hannibal suit de Florence les péripéties malheureuses de sa petite protégée. Lorsqu’elle reçoit une lettre du Dr Lecter, quelques plans nous le montre écrivant ou jouant du piano, de dos. Sur le pupitre de son piano, en lieu et place de partitions, des journaux relatant la réputation salie de Clarice. Il joue tout en les lisant, comme s’il s’inspirait d’eux, comme si Clarice était sa source d’inspiration, sa muse. Magnifico.

A Florence, Pazzi tente d’attraper lui-même Lecter. Grand fou. Il envoie un petit voleur crasseux faire mine de voler le portefeuille d’Hannibal espérant que ce dernier attrape son poignet, laissant ses précieuses empreintes sur un bracelet acheté pour l’occasion. Il était inévitable que Lecter comprenne la supercherie et poignarde discrètement ledit crasseux à l’entrejambe. Pazzi, faisant fi de toute morale, le laisse se vider de son sang, ôtant même la main avec laquelle il tentait de contenir l’hémorragie. On le voit alors se diriger vers une fontaine en forme de sanglier pour se laver les mains. Se laver les mains, se laver de toute culpabilité. Et cette eau qui coule de la fontaine en forme de sanglier ? C’est avec les flots (d’argent) de Verger et ses sbires que Rinaldo se permet de laver sa conscience. Les sangliers étant, nous le rappelons, les animaux élevés par les sardes dans le seul but de donner à Verger le divertissement de la mort d’Hannibal. Et à la Gazette du Thriller, on adore les symboles et métaphores en tout genre.

Dernier doux détail du film : les menottes. Pour l’empêcher de fuir, Clarice se menotte à Hannibal. Le fait-elle vraiment pour l’arrêter et qu’il ne puisse plus nuire ? Son regard suggère ce qu’elle ne pourrait jamais admettre. Se menotterait-elle à lui aussi pour qu’il ne l’abandonne pas ? Pour que, même si enfermé, il reste toujours près d’elle ? Qui sommes nous pour juger ? Et on peut maintenant se permettre de divulgâcher la fin du roman : Clarice et Hannibal finissait ensemble. En couple, oui oui.

Bien sûr, la plupart de ces détails ont été écrits par Harris, à qui l’on enlève rien. Mais Scott a fait un bon travail en les mettant à l’écran.

Conlusion – Notre avis sur Hannibal

C’est assez clair, on adore !

On reste assez dubitatif sur le changement de Clarice et sur certains choix de Ridley Scott, mais Hannibal est malgré tout l’un de nos films préférés. On prévoit d’aller faire un petit tour à Florence bientôt. On vous dit si on croise l’Inspecteur Pazzi près du Palazzo Vecchio.

Scénario : 10/10

Réalisation : 8/10

Jeu d’acteur : 8/10

Frisson : 10/10

Moyenne : 9/10

PS : Ridley, est-ce qu’on peut savoir pourquoi tu as fait ça ?

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